Chroniques de la haine ordinaire / Par Mariem Derwich

La bête immonde, hideuse, la bête lâchée aux trousses de ces garçons à qui l’on dénie, au nom d’une morale à chaque fois toute personnelle, même si elle est enrobée de religieux, la liberté sexuelle.

Ces garçons qui, pourtant, n’ont tué personne, n’ont volé personne, n’ont fait de mal à personne là où tant d’autres détournent, volent, mentent.

La bête immonde qui rend certains affreux, assassins aux gants blancs.

La bête immonde et les appels au meurtre et l’arrestation honteuse de ces hommes. Le médiatique contre l’humain.

La bête immonde qui permet de publier les noms des homosexuels arrêtés, au grand dam de toute déontologie.

La bête immonde, censeur, juge et partie bourreau et spectateur.

La bête immonde qui hurle à la mort et qui, pourtant, détourne le regard de la pédophilie institutionnalisée qu’est le mariage précoce, quand une petite fille de 11 ou 12 ans est mise entre les bras d’un homme adulte, en toute légalité.

Qui détourne le regard quand on excise une petite fille dans le sang et la souffrance.

La bête immonde qui opine du chef quand on insulte une femme pour sa tenue ou pour son choix de vie.

La bête immonde qui est si silencieuse devant toutes les souffrances inacceptables mais qui s’émeut de l’homosexualité.

Dans notre pays la communauté la plus silencieuse, la plus en souffrance, celle qui n’a pas de couleur de peau ni de couleur politique ni de couleur « sociale », c’est la communauté homosexuelle… Celle que la justice ne défendra pas elle qui permet la haine et la vindicte « morale ».

Dans notre pays qui a pourtant signé toutes les conventions de défense et de protection des droits humains, il existe, sous prétexte pseudo religieux, des zones de non droit, ces zones grises qui permettent les buchers de ceux qui nous déplaisent.

Et pendant que l’on insulte ces garçons et que l’on appelle au meurtre, ce soir, une petite fille sera déflorée de force par son mari adulte.

Ce soir une jeune femme va accoucher d’un enfant « illégitime » et va l’abandonner de peur d’être accusée de zina et d’être emprisonnée.

Ce soir une jeune femme pleure quelque part parce que son ou ses tuteurs ont refusé qu’elle épouse l’homme qu’elle aime.

Ce soir une femme, une fille, un petit garçon, vont être violés, victimes de notre société qui s’ennuie.

Ce soir une jeune femme va être harcelée par les conducteurs du soir, quelque part dans notre belle capitale, tout simplement parce qu’elle marche dans la rue la nuit.

Ce soir, des femmes seront raflées dans les quartiers populaires.

Ce soir une femme va être battue par son mari.

Ce soir une femme s’endort en priant et en se souvenant de son homme disparu au temps des années de braise et de sang.

Sans que cela empêche la République Islamique de Mauritanie et ses citoyens moralisateurs de dormir.

Tfou.

Pourtant nous avons un devoir d’humanité et non pas de compassions graduées et stratifiées. Sinon nous ne sommes pas humanités.

Chroniques de la haine ordinaire.

Ce soir, pour me laver de toute cette haine, je vais aller retrouver la légèreté, la poétique gouaille d’un Abou Nawas.

La poésie, comme rempart à la haine.

Mariem Derwich

Facebook – Le 25 janvier 2020

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